mercredi 16 février 2011

Che Guevara vu par Steven Soderbergh

En cette fin d'hiver 2011, comme nous parlons beaucoup de révolution, j'attire votre attention sur deux films sortis sur nos écrans en 2009 et disponibles depuis 2010 en DVD. Les deux films de Soderbergh dont je veux parler ici constituent un diptyque biographique des deux révolutions menées par Ernesto Guevara en Amérique Latine.
Le premier film, Che: Part One (aussi appelé "The Argentine"), raconte la portion de l'histoire du Che que l'on connaît le plus; celle de la révolution cubaine. L'apport du film se situe à deux niveaux. Le premier, c'est que le scénario est basé sur le livre de Guevara (Pasajes de la guerra revolucionaria)*, ce qui lui donne une saveur particulière et personnelle. Cette adaptation force aussi le réalisateur à éviter quelques lieux communs, au profits de scènes moins connues de cette période pourtant médiatisée de la vie du Che - notamment les avancées et les combats de la guerilla cubaine. Le second apport du film se situe avant la révolution, dans le second voyage du Che en Amérique Latine (le premier était superbement montré dans Diarios de Motocicleta), voyage qui le mena, via la tentative de révolution pacifique du Guatemala réprimée par la violence, à la rencontre historique avec Fidel Castro.
Le film met en vedette Benicio Del Toro dans le rôle titre, et j'avoue que si je n'étais pas absolument convaincu de ce choix avant le visionnement, ça n'a pas été long pour Del Toro de me convaincre. Demian Bichir, qui joue Fidel, est lui aussi impressionnant. J'avais craint que Soderbergh n'ait que coupé un long film en deux, mais en fait, pour ceux qui ont vu The Argentine, c'est un film complet en soi et parfaitement satisfaisant, si jamais vous voulez vous arrêter là.
La seconde partie, Che: Part Two (ou "Guerrilla"), raconte l'histoire beaucoup moins connue de la participation du Che à la guerrilla bolivienne après sa démission du gouvernement cubain et son retour clandestin de l'Afrique. Si Soderbergh évite complètement l'épisode congolais de Guevara, c'est que comme pour le premier film, ce second opus est lui aussi basé sur un livre d'Ernesto (El diario del Che en Bolivia)*. Ce second opus est plus sombre que le premier. Bien entendu, comme on raconte l'histoire d'une tentative révolutionnaire réprimée dans la violence et qui s'est aussi soldée par l'assassinat pur et simple de Che Guevara suite à sa capture, ce second film est beaucoup moins entraînant que le premier, qui culminait avec la victoire révolutionnaire. Aussi, comme le journal de campagne du Che se concentrait beaucoup sur les actions et avancées, combats et négociations politiques avec l'opposition, le déroulement de l'histoire est un peu plus ardu à suivre. Avec un minimum de connaissance de la Bolivie et de la politique de l'époque, on arrive toutefois à s'immerger dans l'histoire, malgré son dénouement inexorable.
Soderberg réalise ici deux films quasi documentaires tout en subtilité - avec quelques chansons mais pas de musique en arrière plan, jouant du noir et blanc et de la couleur, refusant le point de vue glorifiant allant généralement de paire avec les films biographiques, et laissant le spectateur le soin de forger son opinion sur les questions soulevées par les convictions et les actions de son sujet.
Le seul point où le cinéaste se permet d'être plus présent est dans son choix d'acteurs; une distribution de luxe, qui comprend dans des rôles secondaires Julia Ormond, Franka Potente, Matt Damon, Lou Diamond Phillips et même le québécois Marc-André Grondin (dans le rôle de l'écrivain français Régis Debray).
Ce diptyque représente un bel ajout aux documentaires historiques sur la vie d'Ernesto Guevara; et avec le film de Walter Salles sur le premier voyage du Che en Amérique Latine, l'ensemble dresse un portrait assez complet des activités du révolutionnaire en terre latino américaine.
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* Pour ceux que la lecture des livres intéresse, quelques chapitres de chacun sont disponibles en ligne, en version anglaise.

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