jeudi 17 février 2011

L'Esprit Vagabond activiste?

Même si plusieurs billets de ce blogue traitent de sujet politiques ou sociaux, je préfère me servir de cette tribune pour faire réfléchir plutôt que d'inciter à prendre action (*). À chacun ses choix et chacun ses causes.
Pourtant, je peux remarquer, depuis quelques mois, que je m'implique plus directement dans certaines causes, et que ces causes semblent toutes avoir un point commun: la lutte contre l'avancée de la droite au Canada et au Québec.
Parmi les sujets traités récemment, on note la crise économique mondiale, l'idéologie révolutionnaire, l'état du Canada, l'histoire impérialiste en Afrique et le gaz de schiste, par exemple. On peut voir une certaine tendance et ce n'est pas un hasard.
Droit et accès à l'information au Canada
Hier, je signais une pétition du groupe de pression Avaaz concernant une décision du CRTC qui semble absolument incroyable: La permission aux journalistes de publier des informations qu'ils savent fausses.
En un mot, on veut modifier la règle actuelle, qui interdit à un journaliste (ou un réseau d'information) de publier une information qu'il sait être fausse. Cette nouvelle permission est ainsi une porte ouverte à des campagnes de désinformations et, pour le lecteur/auditeur, la fin de la confiance portée à la profession de journaliste. Il n'y a qu'à consulter ce billet d'octobre dernier pour réaliser que l'on touche ici une corde sensible en ce qui me concerne. Le quotidien Le Devoir soulignait d'ailleurs la semaine dernière l'inquiétude des journalistes à ce propos. Rue Frontenac abonde dans le même sens cette semaine.
Mon collègue, l'auteur et blogueur Jean-Louis Trudel, avait déjà soulevé la question, identifiant du même coup l'origine de ce dossier, qui est directement relié à la nouvelle chaîne d'information de droite crée par Québécor. Cette entreprise qui intègre des éminents conseillers conservateurs, a d'abord tenté de s'imposer en se finançant à même les redevances versées aux chaînes câblées par les abonnés (j'avais alors également signé une pétition menée par Avaaz demandant au CRTC de ne pas accorder ce privilège à cette nouvelle chaîne). Maintenant, ils tentent d'obtenir le droit de publier des fausses informations sous le couvert du journalisme. La situation est plus qu'inquiétante, elle est carrément dangereuse et elle est développée avec l'aval du gouvernement conservateur.
Si vous vous demandez si c'est possible d'avoir une chaîne d'information continue qui cherche à biaiser l'opinion publique en présentant des faussetés sous le couvert de nouvelles, je vous invite à visionner le documentaire Outfoxed, qui démontre comment opère la chaîne américaine Fox News; c'est terrifiant, preuves à l'appui. On nous aurait présenté, il y a dix ans, un film d'anticipation avec ce sujet montré de la sorte, que l'on aurait trouvé toute l'affaire bien trop grosse, impossible, peu crédible, exagérée. C'est pourtant la réalité. (Et il n'y a qu'à écouter de la radio-poubelle pour comprendre que c'est possible ici aussi).
Pour ceux qui ignoraient l'affaire, je mentionne également que ce même CRTC avait récemment donné raison à Bell Canada qui demandait de permettre la facturation des services Internet à l'usage, ouvrant ainsi la porte à des tarifs encore plus élevés et dictés par votre accès à l'information sur le monde.
Est-ce utile de préciser que le gouvernement conservateur a procédé récemment à des nominations partisanes au CRTC et dans divers secteurs des médias? Est-ce une coïncidence si depuis, l'organe a tenté de limiter notre accès internet, et tente désormais de permettre la diffusion d'information journalistique erronée (une attaque directe aux bases mêmes de toute démocratie qui se respecte)?
Démocratie et ressources naturelles au Québec
Pas plus tard que la semaine dernière, je parlais du film documentaire Chercher le courant, (**) qui invite à la réflexion sur l'état de la gestion des ressources naturelles au Québec. J'en profitais pour soulever l'épineuse question de la mainmise du privé sur les ressources collectives et la démocratie au Québec.
Compte tenu de ce dossier (médiatisé dans l'affaire des gaz de schiste) et de la protection qu'il accorde à l'industrie de la construction (qu'il a lui-même appelé dans de délicieux lapsus "l'industrie de la corruption"), j'avais également signé la pétition demandant la démission du premier ministre Jean Charest, pétition qui vient d'être déposée (hier) à l'Assemblée Nationale avec 247 379 noms. En réaction à cette pétition, le représentant du gouvernement et du Parti Libéral du Québec, le ministre - tenez vous bien - "responsable de la Réforme des institutions démocratiques et de l’Accès à l’information", a simplement mentionné que le gouvernement ne permettra plus ce genre de pétition sur le site de l'Assemblée Nationale. Comme quoi on croit, au gouvernement, que c'est inacceptable de donner comme ça la parole aux simples citoyens. Une question au ministre: pense-t-il la même chose des lobbyistes?
Droits d'auteur au Canada
Plusieurs collègues auteurs et blogueurs ont attiré mon attention sur le dossier de la Loi C-32 sur le droit d'auteur, que le gouvernement conservateur actuel semble continuer à promouvoir au détriment... des auteurs et du droit d'auteur.
Jean-Louis Trudel est de ceux qui avaient sonné l'alarme en janvier dernier, rappelant les tentatives précédentes des conservateurs en la matière. J'avais mentionné le dossier au passage dans ma rétrospective de la gouvernance conservatrice au Canada, fin 2010, référant à une métaphore intéressante publiée dans La Presse. Depuis lundi, un vidéo donne le point de vue de quelques auteurs canadiens sur la question et est disponible sur Youtube. Enfin, Un site consacré à la question invite à la mobilisation (notamment par une pétition contre le projet de loi C-32, que j'ai également signée).
Cette bataille fait l'objet de plusieurs textes engagés, dont l'éditorial de Daniel Sernine dans le dernier numéro de la revue Lurelu (à laquelle j'ai moi-même collaboré en 2010 et qui m'a versé des droits d'auteur). L'écrivain et rédacteur en chef mentionne: "De partout sur la planète, les protestations affluent, car le projet C-32 est l’une des premières lois à imposer le concept pernicieux et flou d’«usage équitable». Qui plus est, ce projet de loi ne respecte pas les traités internationaux auxquels a adhéré le Canada".
Un film sur des activistes américains qui fait réfléchir
Avant-hier, j'ai visionné un film documentaire qui avait reçue une nomination aux Oscars en 2004. Le sujet est un groupe d'activistes américains qui s'opposaient à la guerre au Vietnam et qui a évolué jusqu'à poser des actions violentes (incluant des bombes), mais organisées pour éviter de faire des victimes. Outre son intérêt documentaire sur cette période dense de l'histoire américaine, The Weather Underground pose la question de savoir jusqu'où nous sommes prêts à aller dans notre activisme pour défendre nos idées et nos droits en démocratie? Et pour défendre la démocratie elle-même?
C'est un peu la réflexion que je voulais faire ici, en mentionnant mes récentes implications, compte tenu que l'on vit dans un pays où la démocratie s'effrite de plus en plus. Devant un tel constat, on ne peut que réagir par le cynisme, ou l'activisme.
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(*) Un de mes amis me disait à la blague qu'il ne me voyait pas descendre dans les rues du Québec à scander des slogans révolutionnaires, mais qu'il pouvait m'imaginer le faire dans les rues d'Amérique Latine. La ligne entre les deux est pourtant mince.
(**) Le producteur a mentionné être en négociation pour une télédiffusion éventuelle. D'ici là, vous pouvez écouter le point de vue du réalisateur et du narrateur lors de leur passage à l'émission Tout le monde en parle qui sera diffusée dimanche le 20 février prochain.
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"Ne soyez pas cons" est tiré d'une affiche électorale parallèle réalisée en 2008 par des étudiants en design de l'UQAM.

3 commentaires:

  1. Ce qui me fait peur, c'est que les conservateurs sont réélus chaque fois par les canadiens !! Je sais qu'il n'y a pas l'embarras du choix, mais redonner un mandat à un tel gouvernement me dépasse totalement.

    S'il y a des élections au printemps, les intentions de vote sont encore en faveur d'un statu quo, avec peut-être qqs sièges de plus du côté des conservateurs. Je ne sais pas ce qu'attend le peuple pour faire table rase. Les exemples de mauvaise gouvernance ne manquent pourtant pas, tu en fais un très bon survol.

    Moi qui n'ai pas une seule fibre politique dans mon corps, j'ai parfois le goût de donner dans la révolution. :-s Il faut dire que je suis C-32 de très près ce qui me fait regarder plus attentivement d'autres décisions discutables de ce gouvernement.

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  2. Caroline,
    Ce que tu dis n'est pas tout à fait vrai. Des élections au printemps pourraient signifier autre chose que le statut quo. L'argument des Conservateurs est justement que ça ne donne rien si c'est là le résultat.
    Par contre, notre système parlementaire ne prévoit pas du tout qu'il soit automatique qu'un résultat qui ne dégage pas de majorité absolue se traduise par un gouvernement minoritaire. Plusieurs autres configurations sont possibles.
    Par exemple, même si des élections dégageaient exactement le même résultat, les partis d'opposition pourraient choisir de former une coalition; même si les Conservateurs voulaient reformer un gouvernement minoritaire, la coalition pourrait les faire tomber dès le premier vote de confiance ou budget. Le gouverneur général n'aurait d'autre choix que de permettre à la coalition de former un gouvernement, car juste après des élections, il n'y aurait pas de raison d'y retourner si un groupe parlementaire est prêt à former un gouvernement.
    Les canadiens connaissent mal leur système et même les médias semblent participer à cet automatisme qui n'est pourtant pas prévu dans la constitution: Lors d'élection donnant le résultat que nous avons actuellement, Radio-Canada annonce que si la tendance se maintient, le prochain gouvernement sera conservateur minoritaire; or ce n'est pas vrai. Il n'y a qu'à regarder ce qui se passe ailleurs où ils ont le même système qu'ici. L'exemple le plus frappant étant la Grande Bretagne, qui a un gouvernement de coalition et non un gouvernement minoritaire. La BBC s'était d'ailleurs bien gardé d'annoncer un gouvernement minoritaire là-bas.

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  3. Tu m'encourages un peu. La dernière fois qu'on a parlé de coalition c'est tombé à l'eau, mais je croise les doigts.

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