vendredi 4 novembre 2011

Le nom des gens (et autres films étrangers)

J'ai récemment vu quelques films étrangers; je fais en quelque sorte le plein de cinéma international avant l'arrivée de la double vague de films américains; les blockbusters des fêtes et les films indépendants qui espèrent être dans la course aux Oscars.
Les films étrangers, à part quelques exceptions, nous parviennent souvent avec un certain décalage après leur sortie locale. Le résultat est que souvent, les médias en parlent peu lors de leur sortie ici et que l'engouement provoqué lors de leur sortie initiale a disparu ou que les prix remportés datent déjà d'une saison ou deux. On peut heureusement (re)découvrir de véritables bijoux en DVD.

Le nom des gens
Le nom des gens est un film qui a remporté la palme du meilleur scénario aux Césars l'an dernier.
Il raconte l'histoire d'Arthur Martin, un tranquille fonctionnaire de gauche travaillant à la santé publique, dont la vie est chamboulée par la rencontre avec Bahia Benmahmoud, fille d'un immigrant maghrébin et d'une anarchiste française ayant tourné le dos à la bourgeoisie de ses parents. Pour Bahia, la plupart des gens sont trop à droite, et doivent être ramenés dans le droit chemin, ce qu'elle se propose de faire en utilisant sa beauté et son corps comme arme politique. Elle obtient toujours d'excellents résultats, jusqu'au jour où elle rencontre Arthur, qu'elle trouve à droite avec son principe de précaution appliqué aux dangers d'épidémies.
On aura compris que cette toile de fond sert un propos qui est tout autre, puisque Arthur Martin tient son nom d'un père que sa mère était heureuse de marier pour se débarrasser de son nom dont les origines grecques et juives sont relativement floues parce qu'elles sont taboues dans sa famille. Bahia, qui n'a pas du tout les traits maghrébins de son père, étonne toujours ses interlocuteurs quand elle prononce son nom.
Si ce film est parmi les meilleurs que j'ai vu cette année, c'est en grande partie grâce à son scénario intelligent, mais aussi grâce à l'incroyable performance de Sara Forestier en Bahia. L'actrice a d'ailleurs remporté le César de la meilleure actrice en 2010 pour ce rôle, qui est un peu comme une sorte d'Amélie Poulain exotique classée 16 ans et plus. C'est un film militant bien que divertissant, intelligent bien que d'allure aussi légère que les moeurs de Bahia. Un coup de coeur définitif, à voir absolument.

Horrible bosses
Dans un tout autre registre, cette comédie américaine un peu décalée est étonnante. L'idée à l'origine du film est pourtant assez convenue; trois amis sont aux prises avec des patrons épouvantables. Le premier travaille dans la finance aux ordres d'un patron autocratique et arrogant se montrant odieux à tous les niveaux sachant que les employés auraient de la difficulté à se trouver un emploi alternatif pendant la crise. Le second se retrouve à travailler pour le fils haineux et irresponsable du patron récemment décédé qu'il vénérait. Quand au troisième, il assiste une dentiste nymphomane qui ne cesse de le harceler sexuellement. Au fil des frustrations partagées autour de quelques bières, ils en viennent à la conclusion qu'ils devraient faire assassiner leurs patron pour régler leurs problèmes. S'en suit une série d'imbroglio et de scènes qui vont du loufoque au délirant et utilisent une bonne partie de la panoplie classique des comédies de situation. Si le film vaut son pesant de rires, c'est surtout par ses dialogues qui font mouche, et l'interprétation de ses acteurs. On remarque surtout les méchants patrons joués par Kevin Spacey, Colin Farrell (méconnaissable) et Jennifer Aniston (tordante en dentiste nymphomane), mais Jamie Foxx, en consultant en assassinat est aussi délirant dans un second rôle.

Mine Vaganti
Ce film italien est distribué ici sous le titre anglophone Loose Canons ou le titre francophone Le premier qui le dit. Il raconte la tentative de coming out de Tomasso Cancone, un des deux fils héritiers d'une famille d'entrepreneurs italiens possédant une petite usine de fabrication de pâtes alimentaires. Il prévoit annoncer son homosexualité lors d'un souper réunissant la famille avec celle d'un autre entrepreneur qui vient de fusionner son entreprise avec celle des Cantone. Or ses plans sont bouleversés par son frère Antonio, qui annonce à tous qu'il est lui-même homosexuel. Devant la réaction de son père, qui le renie sur le champs, il quitte l'entreprise et Tomasso se retrouve à la tête de celle-ci, en compagnie de Alba, la jolie fille de l'autre entrepreneur, plutôt que d'être avec son amoureux à Rome.
Mine Vaganti est un délicieux petit film qui traite avec subtilité des relations familiales, sociales et amoureuses. Les crises qui secouent la famille Cantone seraient inexistantes sans un bagage de préjugés qui découlent de pressions sociales; le père se souci bien plus du regard des autres dans sa petite communauté que de ses sentiments pour son film Antonio, par exemple. Le film réussi à maintenir un équilibre fragile entre comédie et drame, sans jamais perdre de son charme; les personnages sont tous attachants - même le père, obstiné. Enfin, l'ensemble du scénario est d'ailleurs encadré par l'histoire d'amour impossible vécue par la grand-mère de Tomasso, ce qui lui donne un aspect intemporel et universel.

El secreto de sus ojos
Si les comédies ne vous tentent pas, peut-être que ce suspense argentin le fera. Le film s'ouvre sur les nombreuses ouvertures possibles qu'envisage Benjamin Esposito, un procureur à la retraite qui tente d'écrire un livre sur un dossier laissé en plan qui l'a obsédé pendant toute sa carrière. Alors qu'il discute de son livre et du dossier avec son ancienne collègue Irene, maintenant juge, le passé refait surface lentement. Benjamin tentera d'aller au bout de cette histoire, ainsi que de celle de son amour pour Irene, jamais déclaré.
Ce n'est pas un hasard si ce film extrêmement bien ficelé à remporté l'oscar du meilleur film étranger il y a deux ans. J'ai vu des centaines de polars et de suspenses, et peu ont réussi à maintenir un tel climat de tension et arriver à étonner avec une chute imprévisible et crédible à la fois. La vie dans le système de justice argentin vient ajouter une profondeur à un récit déjà riche en éléments étrangers et la narration déconstruite et qui alterne les époques joue pour beaucoup dans l'ambiance glauque qui règne sur tout le film. L'interprétation nuancée des acteurs donne encore plus de substance à ces personnages - qui sont peut-être aussi crédibles parce que joués par des acteurs qui nous sont inconnus pour la plupart. La réalisation relativement lente pour un suspense, sait jouer sur la tension plutôt que sur les effets faciles, ce qui est tout à l'honneur du réalisateur de film diablement efficace.

Les invités de mon père
Un vieux docteur militant ayant fait la guerre et ayant été de la lutte pour la légalisation de l'avortement, vient en aide aux immigrants sans papiers. Un jour, il décide d'héberger une jeune moldave et sa fille, au grand désespoir de ses enfants. Ce film français m'a agréablement surpris. je m'attendais à une histoire un peu convenue, dont la morale serait évidemment de laisser vivre sa vie au père/grand-père de l'histoire, et où les préjugés contre les immigrants profiteurs seraient déboulonnés au détriment des opinions du fils nouveau riche, par exemple. Et bien non. Il s'avère que Les invités de mon père est plus subtil dans son traitement d'un problème difficile que sont les relations avec les étrangers au sens large, même si ce thème est ici exploré via les relations avec une immigrante et sa fille et l'impact sur une famille assez classique.
Des opinions tranchées et souvent clichés du fils, qui s'avèrent souvent vraies, aux motifs et réactions de la jeune femme moldave, qui sont parfois plus déroutantes et obscures que prévu, le film prend des avenues inattendues et vous mène rarement là où vous pensiez aller. En ce sens, c'est une très belle réussite, qui n'empêche pas ses créateurs de vous offrir des excellentes scènes de comédie malgré le sérieux du propos général, qui vous invite à questionner vos propres idéaux et réactions au passage.
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2 commentaires:

  1. Istvan5:52 PM

    Je n'ai pas vu le film, mais je ne dois pas être le seul à trouver que Jennifer Aniston dans ce rôle de boss nymphomane n'est surement pas très crédible... pas pour ses talents d'actrice, mais il me semble que c'est tout sauf une "horrible boss" ;) et surtout en brune, elle est vraiment plus belle!

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  2. Istvan,
    En fait, elle est non seulement crédible mais étonnante dans ce contre-emploi.
    Il faut dire que ce "paradoxe" fait partie de l'aspect décalé du film; les deux amis de celui qui doit supporter son harcèlement ne cessent de le taquiner en disant qu'il n'a pas un vrai problème et qu'eux, rêvent d'une "horrible boss" comme elle!
    L'idée et le contre-emploi font partie de la joke, en fait, et ça marche très bien.
    Et oui, elle est fort jolie en brune. :-)

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