lundi 15 septembre 2014

Deux ans plus tard... Une question refait surface.

Note: Il est rare que ce blogue commente directement des sujets d'actualités, mais en cette fin d'été, deux sujets sur lesquels j'ai déjà écrit m'interpèlent (l'Ébola était le premier, celui-ci est le second sujet), d'où ce billet.
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J'ai été tenté de chercher un agent de police qui appréciait l'ironie d'avoir à se battre contre les mesures néolibérales imposées par le gouvernement du PLQ qui monte l'opinion publique contre les policiers (et autres employés du secteur public) à grand renfort de mensonges ou de semi-vérités (*). Évidemment, c'est plus facile pour les policiers, en plus, ils n'ont personne pour les empêcher de manifester, ou pour leur taper dessus et les arrêter sans motif valable (**).

Mais l'ironie de la situation du conflit des pensions des employés du secteur public, elle me rappelle autre chose.
C'est qu'au cœur de la crise sociale qui a secouée le Québec dans la foulée du Printemps étudiant de 2012, j'avais évoqué sur ce blogue - dans le cadre d'un billet sur le risque d'effritement social – le danger derrière l'idéologie néolibérale soutenant les arguments du gouvernement pour implanter la hausse des frais de scolarité.
Ainsi, dans une réponse à un proche me demandant de «passer à autre chose» (un proche qui n'était pas directement touché par la hausse, bien sûr, mais qui était fatigué d'en entendre parler), j'avais répondu ceci :

«... Là, les politiques néo-libérales touchent les droits de scolarité et la contribution santé. Plus tard, ça sera la RRQ, puis, qui sait, la CARRA? Ne pensez surtout pas que ça ne peut pas arriver; les mêmes politiques contrôlées par les grands financiers ont justement implanté exactement cette politique (équivalent de coupure des prestations de CARRA de 50%) aux grecs. Ça se passe aussi ailleurs dans le monde. Quand ça arrivera ici, si jamais tu n'es pas dans la rue avec moi, tu seras peut-être content que j'y sois toujours, et que je ne sois pas passé à autre chose.»

Je me demande si, en cet automne 2014, deux ans après le chaud été 2012, il se souvient de mon intervention d'alors. Certes, comme il est déjà retraité de la fonction publique, le projet de Loi 3 ne le touche pas plus directement que la hausse des frais de scolarité de 2012, mais il doit bien se rendre compte (j'espère) que ce projet de Loi est un pas dans la même direction... et que ce pas est fait dans la direction des fonds de retraite dont il bénéficie justement aujourd'hui. Évidemment, le projet de Loi 3 ne coupe rien aux retraités actuels, mais c'est un pas dans la direction que j'évoquais en 2012 et il aura été franchi en deux ans seulement.
Le pas suivant viendra donc inévitablement.
Une fois que les principes directeurs sont acceptés, rien ne permettra d'empêcher le gouvernement libéral de continuer son chemin. D'ailleurs, l'argument demeure le même: on nous rabat sans cesse l'idée que le Québec n'a pas d'argent, alors que le gouvernement Libéral a offert des congés fiscaux aux grandes entreprises, aux pétrolières, aux gazières et aux banques depuis son arrivée au pouvoir en 2003, et ces congés perdurent depuis (***).
Entre temps, comme je l'évoquais dans mon commentaire de 2012, les coupures dans les pensions ont commencé ailleurs, donc rien n'empêchera d'évoquer ces exemples pour faire de même ici à court ou moyen terme. En Espagne, on a éliminé l'indexation des pensions en 2010 et augmenté les impôts (et les taxes à la consommation) en 2012. La Grèce a coupé de 50% (en deux étapes) les pensions versées aux retraités de sa fonction publique. On me dira qu'il s'agit d'exemples dans des pays aux finances désastreuses (même si cet état de fait a profité aux financiers ayant permis et causé la crise, mais c'est une autre histoire), alors je mentionnerai le Royaume-Uni, dont le Ministre des Finances (Chancellor) a annoncé que le régime de pension devrait subir des coupures en 2015.
Ici même, depuis 2012, on voit déjà des signes que l'on va s'attaquer aux pensionnés éventuellement; le Régime de sécurité de la vieillesse (Pension du Canada), universel, a déjà été modifié en 2013 et les citoyens comme moi ne pourront toucher cette pension avant 67 ans - alors que l'âge donnant droit à cette prestation était auparavant de 65 ans. Cette mesure me privera d'un revenu de pension de plus de 12 000$, alors c'est quand même une coupure importante, même si elle n'a pas été présentée comme une coupure. On incite aussi les canadiens à repousser cette pension de 5 ans (donc la demander à partir de 72 ans dans mon cas) en bonifiant les montants, un privilège dont seuls les mieux nantis pourront profiter. Et au Québec, la commission de révision des programmes ne suggèrera certainement pas de conserver intacts les régimes comme la RRQ ou les acquis des pensionnés de la CARRA. On ne coupera pas cette année, pas aussi directement, mais on commencera à parler de réforme, de modifications, de manque à gagner, et on implantera lentement l'idée jusqu'au jour où l'on dira que ces coupures sont inévitables. (C'est une technique éprouvée qui a été utilisée par de multiples gouvernements de droite pour imposer l'austérité aux classes moyennes et inférieures sans mettre leur réélection à risque).
Je me demande réellement si celui qui m'avait interpelé en 2012 saisi l'ironie de la situation, si ça l'inquiète et s'il espère que des gens s'opposeront à cette idée, lui dont la retraite, le niveau de vie et la qualité de vie dépendent en partie d'une pension de la CARRA. Je n'irai pas jusqu'à demander si dans sa circonscription de région, il a voté pour le candidat Libéral (Philippe Couillard)...
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(*) Voir l'excellent l'Épreuves des faits, qui rappelle que la pension des députés de l'Assemblée Nationale est la plus généreuse de toutes les pensions du secteur public au Québec, régime auquel le projet de Loi 3 ne s'attaque évidemment pas.

(**) La semaine dernière, plus de 500 manifestants arrêtés pendant le Printemps Érable - en mai 2012 - ont vu leur cas abandonné par la couronne, faute de dossier probant.

(***) Pendant le court laps de temps où le PQ a été au pouvoir, minoritaire, il a vaguement tenté de s'attaquer à cet aspect de la fiscalité, mais s'est rapidement fait montrer le chemin à suivre et a reculé, avant de perdre ses élections un an plus tard.
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